BRONX, LA CRITIQUE DE JONATHAN

Production Gaumont d'envergure finalement distribuée par Netflix en 2020 puis récemment en DVD, "Bronx" rappelle qu’Olivier Marchal reste l'un des patrons du polar à la française (faut dire qu'il y a peu de concurrence mais elle arrive, avec des gars comme Cédric Jiménez ou Julien Leclerc), genre récupéré par Netflix, hélas pour les salles de cinéma, avec des films efficaces tels que "Balle Perdue" ou "La Terre et le Sang".

100% Marchal, mélange réjouissant (à l’image de sa distribution) de toutes ses précédentes productions cinéma et télévisuelles, telle une sorte de patchwork de son univers, "Bronx" ne va pas réconcilier les détracteurs du cinéma à la fois très français et très américanisé de l’ex flic mais confortera ses adeptes par son efficacité et sa radicalité, jusque dans son final implacable sur une chanson d’Alain Bashung. Chez Marchal, tout le monde se tire dans les pattes, au propre comme au figuré, y compris (et surtout) au sein-même de la police, milieu dont le réalisateur, qui reste pro-flic, ne dresse pas un portrait très reluisant sans pour autant le condamner. Pour lui les flics, finalement semblables aux gangsters (comme le dit le personnage de boss mafieuse joué par Claudia Cardinale dans l’une de ses rares répliques, « Vous savez ce qui nous différencie ? Une carte de police »), doivent adopter des méthodes expéditives voire illégales pour obtenir des résultats sans passer par l’administration (pour le cinéaste, administration = bâtons dans les roues), mais ils devront subir un jour ou l’autre les conséquences de leurs actes.

Mêlant clichés romanesques à une description assez réaliste d’un milieu qu’il connait bien, alternant moments d’émotion (les adieux de Lanvin à sa femme) et virilité exacerbée (ici les bonhommes ont des couilles et le montrent), Marchal construit une fresque policière tendue et captivante, peuplée de personnages sinistres et badass (quasiment tous, en fait), parsemée d’éclairs de violence (tueries et exécutions sanglantes) et de punch-lines (« Si tu m’encules tu connais le tarif », « Tu côtoies tellement de cadavres que tu vas finir par te marier avec un cercueil » etc.), parvenant à ne jamais perdre son spectateur malgré la multitude de personnages, grace notamment à un casting solide et charismatique partagé entre des tronches familières de l’univers de Marchal (Gérard Lanvin, Moussa Maaskri, Alain Figlarz, Dani, Catherine Marchal, Patrick Catalifo, et l'indispensable Francis Renaud en gros salaud) et des nouveaux venus déjà connus (Jean Reno, Claudia Cardinale, Stanislas Merhar, Lannick Gautry, David Belle, Eriq Ebouaney, et même Kaaris est crédible en flic), en tout cas que des têtes régulières du polar français. L’excellente team de flics menée par Lannick Gautry en nouveau héros marchalien rappelle un peu celle de Braquo, transposée dans le décor de Marseille, ville dont Marchal montre aussi bien la beauté que les dessous sales.

Prenant le même décor sur un sujet similaire, le plus controversé "Bac Nord" de Cédric Jiménez a cependant plus d'impact, de subtilité et de crédibilité, envoyant ce pourtant efficace "Bronx" aux oubliettes alors qu'il venait tout juste de sortir. Marchal va peut-être devoir se renouveler...

Jonathan de l'équipe JM Vidéo

Publié le 12 avril 2022