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Philippe Zaghroun, patron de JM vidéo




Quand je pense vidéoclub, de très bons souvenirs de mon enfance et de mon adolescence remontent. Je me souviens, je pouvais passer de longs moments à choisir le ou les films que j’allais regarder. Nous nous disputions avec mon frère et/ou ma soeur pour savoir quel film choisir. J’ai connu la transition des VHS aux DVD. Le vidéoclub était aussi mon fournisseur officiel d’affiches de cinémas qui ornaient ensuite les murs de ma chambre. Certaines, comme celle de Scary Movie, sont restées accrochées plusieurs années. Et il y avait de l’humain, une personne derrière le comptoir qui me conseillait. Avec le tsunami de la digitalisation et du streaming, j’étais persuadé que les vidéoclubs gisaient à côté du Titanic. Ce n’est pas totalement faux, mais il reste encore quelques irréductibles, comme JM Vidéo. J’y suis allé un midi pour rencontrer Philippe Zaghroun, le patron. Alors que j’attendais pour l’interviewer, que je faisais le tour du lieu que je prenais quelques photos, ma surprise fût de taille. En l’espace de 20 minutes, j’ai vu une personne s’abonner au vidéoclub, des couples, des familles et des ados venir louer ou rendre des films. Clairement, c’étaient des habitués. Certains demandaient conseils, Philippe, derrière le comptoir, demandait à d’autres ce qu’ils avaient pensé du film. J’étais scié.


 


Raphael : Pouvez-vous nous présenter JM Vidéo ?


Philippe Zaghroun : JM Vidéo existe depuis 1982. Dés les premières VO sous-titrées, on a commencé à se spécialiser dans la VO et dans le cinéma français. Tous les autres vidéoclubs proposaient des blockbusters, les Bruce Lee, les René Château, les Belmondo… qui à l’époque étaient des blockbusters, mais qui sont devenus des classiques. Nous, on a immédiatement proposé des films un peu plus « cinéphiles » on va dire. Aujourd’hui on dirait intello. On s’est donc spécialisé et on a gagné une clientèle qui ne fréquentait que JM Vidéo, puisqu’on proposait aussi les blockbusters.


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Vous êtes donc derrière ce comptoir depuis 1982 ?


On est toujours là. On a toujours très bien travaillé. On a toujours eu notre clientèle. A une époque, quand la 5, la 6 et Canal+ sont apparues, on a un petit peu souffert. On s’est diversifié en vendant des produits dérivés du cinéma. Ça nous a permis de passer la vague que d’autres vidéoclubs n’ont pas passée. Il y a eu à une époque, je ne sais plus en quelle année, au moment de la sortie de la 5 de Berlusconi, une vague de dépôts de bilan dans les vidéoclubs. Nous on a continué à travailler, et on est toujours là, depuis 33 ans.


Vous nous parlez de cette vague, une vague que je n’ai pas connu. Par contre, j’ai connu l’époque où les vidéoclubs ont fermé à cause du digital, à cause du streaming… C’est à ce moment là que le vidéoclub de mon quartier a fermé. Vous, comment avez-vous survécu à ce changement ?


Bizarrement, en 33 ans d’existence, les meilleurs chiffres d’affaires qu’on ait fait, c’est entre 2007 et 2010, alors que les vidéoclubs commençaient à fermer. Mais à chaque fois qu’un vidéoclub fermait, on récupérait ses clients. Ça fait environ 5 ans que les vidéoclubs ferment les uns après les autres, et que JM Vidéo récupère tous les clients. Aujourd’hui encore, le dernier vidéoclub du 11ème arrondissement a fermé. On a tous les jours des nouveaux clients. La preuve, je viens d’inscrire un nouveau client là, devant vous, il y a quelques instants. Ce n’est plus du tout la même clientèle qu’avant, mais il y a encore de nouveaux clients.


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Comment expliquez-vous que tous les vidéoclubs ferment mais pas vous ? Pourquoi avez-vous survécu ?  


Ce qui fait qu’on a survécu, c’est qu’on a 35 000 films et un budget d’achat de films qu’on maintient quoiqu’il arrive. Même en juin, juillet, août, pendant des périodes de coupe du monde ou des périodes très ensoleillées, si on doit acheter 10 exemplaires d’un titre, on les achète. On ne se laisse pas influencer par un rayon de soleil. On continue à acheter nos nouveautés. On a la trésorerie pour. En hiver, on constitue une trésorerie pour l’été. Surtout, il faut dire qu’on achète nos films à la demande aussi. Si un client cherche un titre précis, pour une location, on va commander le film. A chaque fois, qu’on fait ça, qu’on commande un film à la demande d’un client, même si il s’agit du titre  “ la pêche à la mouche dans les gorges du Verdon”, on le fidélise.


Qui est votre clientèle aujourd’hui ? Des passionnés ? Des gens du quartier ? Des professionnels ? Des étudiants en cinéma ? J’ai vu qu’il y avait des jeunes. Je suppose que c’était des ados du quartier ?


Ces ados sont un très mauvais exemple. Au contraire, les jeunes, les ados, les clients les moins fortunés, ont quitté le vidéoclub. Ils ont privilégié le téléchargement illégal je pense. Je n’ai pas l’impression que la VOD ai détourné notre clientèle. Très clairement, ceux qui continuent à louer dans notre vidéoclub, ce sont  les intellectuels, les cadres supérieurs, les gens un petit peu aisés quand même… Pour certains, c’est immoral de télécharger. J’ai un monsieur qui m’a tenu ce discours il y a quelques jours. Il me disait qu’il était de gauche, et qu’il trouvait insensé le téléchargement illégal, sachant que ça crée des milliers de chômeurs. Juste en regardant la situation des vidéoclubs, on peut supposer que ça a entraîné du chômage. Il me disait qu’il ne pouvait pas militer dés qu’il y avait des licenciements, et à côté de ça, télécharger illégalement sachant que ça détruit des emplois. Je pense qu’il n’a pas tout à fait tort. Dans notre métier, il y avait pas loin de 10 000 vidéoclubs. Il doit en rester 4 sur Paris. Il y avait une quinzaine de grossistes qui embauchaient chacun une quarantaine de personnes. Il n’en reste plus qu’un en France. Tout ça, c’est sans compter les petits magasins, les revendeurs de DVD… Je ne sais pas comment quantifier ça, mais je crois que le téléchargement illégal a fait beaucoup de mal. Moi-même je recrute actuellement. Je reçois un tas de CV d’ex-vendeurs de vidéoclub.


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Je reviens sur le client. J’ai en tête les discussions que je pouvais avoir dans mon vidéoclub : « Quel film me conseillez-vous ? ».  Aujourd’hui, avec Allociné, IMDb, les blogs… Avez-vous encore des vraies discussions avec vos clients ? Arrivez-vous encore à les conseiller ?


On ne fait que ça. On passe notre temps à conseiller des films, à conseillers des petites perles, des choses inconnues, des choses qu’on n’irait pas voir, que les sites ne proposent pas. Les sites sont purement commerciaux. Vous avez des organigrammes informatiques qui vont vous proposer tel film ou tel autre film… Nous on donne des vrais conseils, et on connaît nos clients. On sait quoi leur conseiller.


Diriez-vous que faites un travail de préservation de la culture ?  


J’en profite pour dire qu’on est toujours à 20% de TVA. En plus de notre TVA, on a une taxe vidéo de 2%, non pas sur la valeur ajoutée mais sur notre chiffre d’affaire, pas notre bénéfice. Je pense que ça a dû tuer pas mal de vidéoclubs. En plus, cette taxe de 2% est complètement injustifiée, elle n’a aucun sens. Concernant la TVA à 20%, on peut aujourd’hui admettre que le DVD est un produit culturel, mais malgré tout, on est toujours taxé à 20%. A mon avis, c’est certain qu’avec une TVA à 5,5%, on aurait pu baisser nos prix et être très concurrentiels par rapport à la VOD. La VOD c’est 4,99 euros. Nous, on est en moyenne à 2,70 euros. Si on avait une TVA à 5,5, on pourrait être à un prix moyen de 2,40. Là, il n’y a pas photo, je pense que les clients continueraient à fréquenter les vidéoclubs. Le fait qu’il n’y ait pas eu d’arbitrage sur la TVA dans les vidéoclubs a tué des milliers de commerçants.


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Vous parlez de la VOD, aujourd’hui il y a Netflix… Quel regard portez-vous sur ces services ? Les voyez-vous comme des concurrents ? Comme quelque chose de complémentaire ? Comme une évolution inévitable ?


Je ne pense pas que ce soit une évolution inévitable. Il y aura toujours des gens qui iront au bistro boire un café. On  peut prendre plaisir à aller au vidéoclub, et je pense que c’est un vrai plaisir. J’ai des clients passionnés de vidéoclub, c’est leur enfance, leur tradition, leurs habitudes… comme ils continuent à aller au bistro boire un café, même si ils peuvent se faire du café chez eux. Ce sont  deux plaisirs différents. En ce qui concerne le budget, un budget moyen au vidéoclub, c’est 40/50 euros par mois. Quand vous additionnez Canal+, Canal Sat, Netflix et tous les services qui proposent à eux tous à peu près le même service que le vidéoclub, ils sont infiniment plus chers. Au vidéoclub, vous êtes là, vous choisissez votre film… en plus on propose de longs délais. Il y a des clients qui gardent les films 10 jours parce qu’ils habitent loin. Pour ça, ils ne vont payer que 2,50. En 10 jours, le film a le temps de faire tout le tour de la famille. Si on calcule le budget, le vidéoclub est largement plus intéressant.


Comment voyez-vous le futur de JM Vidéo, de votre vidéoclub ?


On a eu un petit passage à vide en 2013-2014, mais depuis le chiffre d’affaire remonte. Vous verrez quand je publierai mes bilans : on va avoir une très belle année 2015. Je ne sais pas ce que réserve l’avenir, mais j’ai le sentiment qu’il y a encore des gens qui aiment le vidéoclub. C’est un vrai plaisir, une vraie sortie. La VOD reste de la télé. Qu’on regarde un film en VOD ou le film de TF1 ce soir, ça reste de la télé. Par contre, aller au vidéoclub, discuter cinéma avec un vendeur, ouvrir les yeux, choisir entre 35 000 films… Allez sur votre VOD et essayez de passer en revue 35 000 films, vous allez y passer 4 jours.


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Un dernier message pour finir ?



Si vous deviez nous donner 3 films qui justifient de faire un tour dans votre vidéoclub.


3 films sur 35 000 films… Il faut me laisser un petit peu de temps pour y réfléchir (rire).


Merci.


 


JM Vidéo


121 avenue Parmentier, 75011 Paris


http://jmvideo.fr/




Publié le 15 juin 2016 Facebook Twitter

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